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Douzième chronique par Pascal Sabourin

Douzième chronique par Pascal Sabourin

A propos d'une exposition au Centre d'Interprétation de la Maison Languillier de Gedinne : la Guerre froide en Belgique

            Vous le savez probablement, la petite ville belge de Gedinne, non loin de la frontière française, possède un Centre particulièrement dynamique. Installé dans la Maison Languillier, celui-ci propose régulièrement de bien sympathiques expositions qui, certes, ne vont pas renouveler la connaissance historique (ce n'est pas leur objectif), mais méritent assurément notre visite (1) La dernière en date, montée à la veille de la crise du covid, reste visible pour quelques semaines encore. Son sujet me paraît particulièrement intéressant, car peu abordé : la Guerre froide. Cette période du second XXème siècle, que d'aucuns appellent non sans raison ''troisième guerre'' mondiale, embrasa en effet toute la planète et laissa des séquelles dramatiques – je pense notamment au dramatique conflit russo-ukrainien en cours. Sans la moindre prétention, avec profusion de documents souvent tout simples, l'exposition de Gedinne en offre un panorama honnête, bien qu'assez conventionnel. Les enseignant(e)s le savent, il y a une manière encore bien française d'aborder le sujet, ne serait-ce qu'en le reliant à la disparition de notre empire colonial ou à la politique plus ou moins fantasmée d'  « indépendance nationale » du général de Gaulle ; ici, c'est une autre approche, complémentaire, qui est proposée aux visiteurs.

 

Guerre Froide Pascal Sabourin 2

 

Guerre Froide Pascal Sabourin 2

 

 Guerre Froide Pascal Sabourin 4

   ''Années 1950'' : Casque utilisé par les forces belges sur Meteor

 

Guerre Froide Pascal Sabourin 4

 Bonnet de vol soviétique version hiver sur Mig-9

 

            Oui, mais quel rapport avec l'histoire ardennaise ? Nous ignorons trop souvent que notre voisine immédiate, avec laquelle nos entretenons des rapports si intimes, s'est trouvée plongée au cœur de la Guerre froide. Oh, bien sûr, Namur, Liège, Mons, ou encore Bruxelles, n'étaient point Berlin ou Vienne … Néanmoins, ce conflit inédit y occupa une place particulière : la capitale belge devint de facto celle du camp occidental européen, d'abord par l'installation d'une bonne partie des institutions des communautés européennes, puis par l'implantation du Secrétariat général de l'OTAN après la crise diplomatique franco-étatsunienne (1) Une OTAN au sein de laquelle la diplomatie belge joua la carte de la Détente avec le Bloc de l'Est, comme en atteste le rapport Hamel de 1967, préfiguration de la CSCE d'Helsinki (2). Détente, certes, mais a-t-on oublié ici l'installation d'armes nucléaires américaines sur la base aérienne de Florennes, en 1985, pendant la « crise des euromissiles » (3) ?

            Donc, une exposition à visiter en urgence, même si on peut regretter que cette singularité belge ne soit pas davantage mise en avant  parmi la grosse vingtaine de panneaux didactiques (l'un évoque néanmoins la participation à la Guerre de Corée )

            J'allais oublier de vous signaler la tenue d'un colloque à Bruxelles « La Guerre froide et la Belgique » en juin prochain (4) … ainsi que l'ouverture à la visite, au Kemmelberg,  du bunker de commandement des forces belges pendant cette Guerre froide (5)

Notes

  • https://actugedinne.be/n-utiles/
  • Sur cette question, je vous renvoie volontiers à clio2web, la belle plate-forme numérique de l'Université catholique de Louvain qui «  permet aux élèves du secondaire et aux étudiants d'expérimenter et de s'initier à la démarche historique (problématisation, contextualisation, heuristique, lecture critique, confrontation, recoupement et mise en relation des informations) dans le cadre de leur cours d'histoire. » https://clio2web.uclouvain.be/exhibits/show/la-stasi-en-belgique-autopsie/la-guerre-froide. Deux pages passionnantes sont consacrées à « Bruxelles, haut-lieu de l'espionnage » et aux « activités de la Stasi en Belgique ».
  • https://www.racine.be/fr/la-belgique-lotan-et-la-guerre-froide qui présente notamment le livre tout récent d'Estelle Hoorickx.

Le Rapport Harmel plaide « en faveur de l'adoption d'une double politique pour l'OTAN : une politique de dissuasion et de détente, qui consiste à maintenir une défense adéquate tout en favorisant la détente politique (https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_67927.htm)

(Photos P.S.)